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LES SURFACES AMPLIFICATRICES DE CONTRASTE POUR LA MICROSCOPIE OPTIQUE


LES SURFACES AMPLIFICATRICES DE CONTRASTE POUR LA MICROSCOPIE OPTIQUE
 
NANOLANE -Responsable Développement Couches Minces






 
INTRODUCTION

Peu décrites dans la littérature, les couches minces amplificatrices de signal sont à nouveau mises à l’honneur grâce à l’engouement actuel pour les nanotechnologies. En effet, leur rôle en particulier dans l’instrumentation optique permet à des équipements jusqu’alors limités à la caractérisation de microstructures, l’accès à l’analyse de structures de dimensions nanométriques.
 
Les surfaces amplificatrices de signal sont constituées de couches minces ou de couches micro-structurées qui ont pour effet de transformer les caractéristiques de base du support en vue d’augmenter l’intensité du signal de l’échantillon analysé. En ce sens, elles sont souvent qualifiées de surfaces ‘intelligentes’ et leur développement est considéré comme stratégique pour les années à venir. Ces surfaces spécifiques sont en particulier employées aujourd’hui dans les domaines de l’analyse biologique sans marquage ou la spectroscopie Raman.
 
Une grande partie des supports amplificateurs de signal font appel à un même principe : l’effet ‘résonance des plasmons de surface’ [1]. Cet effet a été exploité entre autres, avec la mise au point de biocapteurs qui permettent de mesurer en temps réel, et sans marquage spécifique, les caractéristiques d'interaction entre deux molécules sur une surface biologique. Pour cela, une des molécules - le ligand - est immobilisée sur la surface ‘sensor’ et l'autre molécule - l'analyte - est injectée dans la chambre d’analyse contenant la surface ‘sensor’. Le principe de détection par SPR (Surface Plasmon Resonance) quantifie des changements de l'indice de réfraction près de la surface, reliés à la variation de masse à la surface du biocapteur, due à la formation et à la dissociation des complexes moléculaires (ligand-analyte). En effet, lorsqu'une lumière monochromatique et polarisée arrive à l'interface entre deux milieux d'indice de réfraction différent, et que cette interface est recouverte d'une fine couche métallique, l'intensité de la lumière réfléchie est nettement réduite pour un angle d'incidence particulier. Ceci provient du fait qu'une composante électromagnétique de la lumière, l'onde évanescente, se propage perpendiculairement à l'interface. L'angle de résonance varie notamment en fonction de l'indice de réfraction, donc en fonction de la masse des molécules situées au voisinage de la surface. Par conséquent, un suivi de l'angle SPR en fonction du temps permet de suivre en temps réel l'association et la dissociation entre le ligand et l'analyte. Le signal obtenu est quantifié en unités de résonance (RU). Une variation de 1000 RU correspond à un déplacement de l'angle de 0.1° et équivaut à une fixation de 1 ng de protéine par mm², ce qui en fait une technique de très haute sensibilité dans le domaine des biotechnologies.
Depuis le début des années 1990, de nombreuses entreprises se sont créées autour du développement de biocapteurs optiques par SPR. Parmi les plus connues, on peut citer Biacore, leader mondiale ou encore Genoptics en France.
 
Basé sur le même principe, les SERS (Surface Enhanced Raman Spectroscopy) sont connus depuis plus de trente ans mais en raison du manque de reproductibilité des substrats, ils n’avaient jamais alors été adoptés comme une technique courante. Courant 2005, la société Mésophotonics fut la première à commercialiser ce type de substrat garantissant une déviation standard relative des niveaux de signal Raman inférieure à 10%. Les supports commercialisés (Klarite®) sont des substrats de silicium présentant une couche d’or structurée en réseaux réguliers de trous assimilables à des cristaux photoniques. En travaillant sur le design des cristaux, l’effet ‘plasmon de surface’ a pu être maîtrisé et a ainsi permis l’amplification du signal Raman de l’ordre de 106 en faisant ainsi une technique suffisamment sensible pour la détection de molécules uniques.
 
C’est également à partir des SERS que furent développées d’autres techniques d’observation de structures nanométriques. Même si la plupart d’entre elles sont restées au stade du Laboratoire, elles connaissent ces dernières années un engouement très marqué. On peut citer parmi les plus connues, la SEF [2] (Surface Enhanced Fluorescence) qui exploite l’interaction entre molécules fluorophores et surfaces métalliques ou encore le SERS/SNOM [3] (Near Field Scanning Optical Microscopy) employant entre autres, une pointe AFM couverte d’une couche d’or amplifiant le signal de l’échantillon analysé.


L’amplification de contraste en microscopie optique


DIC
La microscopie optique est une technique bien établie, simple, peu coûteuse et largement répandue. Elle permet la caractérisation de structures de dimensions micrométriques ou sub-micrométriques. Nombreuses sont les techniques d’optimisation du contraste pour repousser ces limites de détection, la plus répandue étant le DIC (Differential Interference Contrast) ou NIC (Normarski Interference Contrast) qui sur le principe de l’interférométrie, consiste en la séparation d’un rayon lumineux polarisé en deux rayons de même longueur d’onde, mais polarisés orthogonalement et séparés spatialement d’une distance très courte (une fraction de la longueur d’onde). Ces deux rayons (nommés respectivement ordinaire et extraordinaire) traversent les spécimens en deux points différents mais très proches. Suivant la différence de phase entre les rayons, un contraste positif ou négatif sera créé révélant ainsi la topographie de la surface analysée et permettant également de mieux révéler sans marquage les objets observés.
 
Les surfaces anti-réfléchissantes
Une seconde voie pour l’amplification de contraste d’un objet consiste à s’affranchir du signal du support par l’utilisation de surfaces anti-réfléchissantes (AR). Les prémices de cette voie ont vu le jour au milieu des années 1930, lorsque Blodgett et Langmuir [4,5] ont pour la première fois étudié les changements de réflectivité de la lumière de films minces. Ils montrèrent que des films organiques ultraminces étaient visibles par microscopie optique s’ils étaient déposés sur des surfaces de chrome polies préalablement recouvertes d’une couche de stéarate de baryum et non sur des surfaces de chrome nues. Ces propriétés de couches anti-réfléchissantes ou amplificatrices de contraste furent ensuite largement décrites par Sandström au milieu des années 80 [6].
 
Le début des années 90 voit apparaitre la microscopie à angle de Brewster [7]qui permet la visualisation des inhomogénéités d’un film d’épaisseur moléculaire. Son principe inspiré de l’éllipsométrie consiste là encore, à s’affranchir du signal réfléchi par le support en réalisant l’observation en lumière polarisée à un angle d’incidence fOP tel que fOP=arctan(n1/n0) avec n0 et n1, indice optique du milieu d’incidence et du support, respectivement. Dans ces conditions, le coefficient de réflexion d'une interface parfaitement plane et mince entre deux milieux transparents s'annule et seuls des écarts à l’idéalité de l’interface (épaisseur, densité, anisotropie, rugosité) conduisent à une réflexion et deviennent par conséquent, visibles. Ce type de microscopie est particulièrement bien adapté à l’analyse de films mono-moléculaires à la surface de liquide (ex : films de Langmuir…).
 
Enfin, l’extinction d’une surface peut facilement être mise en œuvre pour un éclairage en incidence normale (via un laser, par exemple) par l’utilisation de polariseur et analyseur croisés. La surface ne modifiant pas la polarisation de la lumière en incidence normale, l’analyseur placé à 90° (par rapport au polariseur) vient couper la lumière réfléchie. De par la géométrie du faisceau incident, ce principe ne permet cependant pas l’accès à la visualisation.
 
A l’instar des supports SPR ou SERS, des supports amplificateurs de contraste ont également été développés pour la microscopie optique mais leurs performances restaient jusqu’à maintenant très limitées et aucun de ces supports n’a vu le jour commercialement parlant. Ces derniers étaient fondés sur la réflectivité incohérente du substrat et de ce fait, étaient donc anti-réfléchissants pour une lumière non polarisée avec une direction de polarisation unique par rapport au plan d’incidence, ce qui est incompatible avec l’utilisation d’un microscope. En effet, la microscopie optique pose des contraintes particulières de part la géométrie du faisceau d’éclairage incident se présentant sous forme d’un angle solide constitué d’une multitude de plans azimutaux. Ainsi les conditions applicables pour un éclairage non polarisé en incidence normale, où une surface anti-réfléchissante doit répondre à une condition sur l’intensité de la lumière normalisée RNP telle que: RNP = 1/2(½rP½²+½rS½²) = 0 ou encore rP = 0 et rS = 0 (où rP et rS sont respectivement les coefficients de Fresnel parallèle et perpendiculaire au plan d’incidence), ne sont alors pas respectées.
 
 
Les Surfs
 
Principe
Au début des années 2000, une étude menée par Ausserré et Valignat [8] sur la cohérence de la lumière polarisée, a permis l’élaboration de nouveaux supports - les Surfs - répondant à des conditions d’amplification de contraste pour la microscopie optique entre polariseurs croisés. Leurs propriétés sont telles que ces supports, constitués d’un empilement de couches optiques sur un substrat opaque ou transparent, ne modifient pas la polarisation de la lumière après réflexion, même si l’ouverture numérique de la source incidente est importante. Cette propriété est modifiée lorsqu’un échantillon est présent sur la surface du Surf, une composante non nulle est alors détectée après passage par l’analyseur rendant ainsi visible l’échantillon (figure 1).

Figure 1 : Etat de la polarisation de la lumière réfléchie par le Surf (0)
et par un échantillon présent sur le Surf (1).
 
Performances
Les performances de ces supports sont estimées à partir de la mesure du contraste (C) de l’échantillon définit par : C = (I1-I0) / (I0+I1) où I0 et I1 représentent respectivement les intensités réfléchies par le Surf et par l’échantillon analysé. Le travail d’optimisation réalisé sur le contrôle des épaisseurs et des indices optiques des couches est tel que les Surfs présentent, pour un film d’un nanomètre d’épaisseur, un pouvoir amplificateur de contraste 200 fois supérieur à celui d’un support de silicium et 25 fois supérieur pour un film de 10 nanomètres d’épaisseur (figure 2).
 
Figure 2 : Courbes de contraste d’un échantillon d’épaisseur nanométrique déposé sur un support de silicium et sur un Surf.
 
 
 
 
 
Cette forte augmentation du contraste permet ainsi la visualisation sous un microscope optique standard et ce, sans aucune forme de marquage de l’échantillon (ni fluorescence, ni marqueur radioactif), de films d’épaisseurs nanométriques (jusqu’à 0.3nm) ainsi que des nano-objets (jusqu’à des diamètres de 2nm). Une illustration est donnée ci-après (figure 3) avec l’observation en microscopie optique entre polariseurs croisés d’une structure Langmuir-Blodgett sur une surface de silicium et sur un Surf, la localisation des marches sur le support de silicium ayant été réalisée via un AFM.


Figure 3 : Observation au microscope optique entre polariseurs croisés d’un empilement de couches Langmuir-Blodgett (5.4nm par bicouche) sur silicium et sur Surf.
Applications
La mise en œuvre est simple : l’échantillon à caractériser est déposé par les techniques habituelles de dépôt (dip-coating, spin-coating, dépôt pipette, évaporation…) sur le Surf en lieu et place de la traditionnelle lame de microscopie. Le support est ensuite placé sur la platine du microscope, l’observation ne nécessitant que la mise entre polariseurs croisés du microscope optique. A titre d’illustration, quelques exemples d’analyses de couches minces, nanotubes de carbone, vésicules lipidiques et nano-patterns sont données (figures 4). La nature de l’empilement optique étant fonction du milieu d’observation (air, eau…), des Surfs ont également été développés pour l’observation en immersion pour en particulier les secteurs du vivant, très demandeurs de technologie sans marquage.

Figures 4 : Exemples de structures nanométriques observées en microscope optique sur Surf :
 
1. Micro-structuration d’un film de copolymère PS-PMMA (73.1nm) ;
 
 2. Bundles de nanotubes de carbone ;
 
3. Vésicules lipidiques en milieu aqueux ; 
 
4. Plots d’or (50nm3)).
 
 
 
Ainsi, grâce à la mise au point de ces nouveaux supports, la microscopie optique cantonnée depuis son invention, il y a plusieurs siècles, à l’observation de structures microscopiques ou sub-microscopiques se retrouve aujourd’hui propulsée dans le domaine des nanotechnologies jusqu’alors réservé aux techniques de caractérisation à source électronique (MEB, MET…) ou à champ proche (AFM, STM…).
 
Outre son accessibilité, les microscopes optiques présentent plusieurs avantages par rapport aux techniques usuels de caractérisation nanométrique. L’analyse en temps réel permet le suivi de cinétiques de croissance, cristallisation, démouillage…. Le large choix de grossissement permet des analyses de zones allant de plusieurs mm² à quelques dizaines de µm². L’observation peut être mise en œuvre à atmosphère et/ou à température contrôlée. Enfin, le couplage avec d’autres techniques de caractérisation (AFM, Raman…) permet une pré-localisation rapide de nano-objets (nanoparticules, nanotubes, plots de biopuces…) avant analyse.
 
Mesure d’épaisseurs
Des développements récents ont permis en plus de la visualisation, l’accès à la mesure des échantillons analysés. Pour cela, une correspondance colorimétrique est réalisée entre un calibre présentant une structure sous forme de plusieurs marches d’épaisseurs nanométriques et l’échantillon analysé. Il existe en effet de par les interférences optiques au niveau de l’échantillon, une évolution des paramètres RGB (Red, Green, Blue) de l’échantillon en rapport avec son épaisseur optique. La sensibilité de la technique (0,1nm) ainsi que la reproductibilité des mesures (0,3nm) ont pu être estimées à partir de structures calibrées et selon la norme ISO 17025. Cet accès à la mesure d’épaisseurs permet ainsi en plus d’une représentation tridimensionnelle des échantillons analysés (figure 5), la détermination des profils, rugosités et autres mesures topologiques caractéristiques de structures nanométriques.


Figure 5 : Représentation 3D d’une biopuce ADN.
 
 Futurs développements
Les futurs développements portent en particulier sur la réalisation de supports anti-réfléchissants pour la microscopie optique inversée fortement présente dans les secteurs des biotechnologies (systèmes vivants, génétiques…) et de la microfluidique. Pour cela, des études sont actuellement menées sur la réalisation de Surfs à partir de supports transparents type verre.
 
BIBLIOGRAPHIE
[1]    Schasfoort RBM, Tudos AJ, Handbook of Surface Plasmon Resonance, RSC Publishing, 2008.
[2]    Fort E, Grésillon S, J. Phys. D: Appl. Phys., 2008, 41.
[3]    Aizpurua J, Taubner T. Javier Garcia de Abajo F, Brehm M, Hillenbrand R, Optics Express, 2008, 16(3), 1529-1545.
[4]    Blodgett KB, Langmuir I, Phys. Rev., 1937, 51, 964-982.
[5]    Langmuir I, Schaefer V, Wrinch DM, Science, 1937, 85, 76-80.
[6]    Sandström T, Stenberg M, Nygren H, Appl.Opt., 1985, 24, 472-479.
[7]    Hénon S, Meunier J, Rev. Sci. Instr., 1991, 62, 936-939.
[8]    Ausserré D, Valignat MP, Nano Lett., 2006, 6(7), 1384-1388.

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